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Les aventures de Dieu – Episode I

par Lothaire Balsarin

– Première Partie –

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Entrer dans un débat pour ou contre Dieu n’est pas ce que l’on se propose de faire ici. Ce qui importe n’est pas de recenser, approuver ou réfuter des opinions subjectives qui sont autant d’enfantillages, y compris bien sûr toutes celles qui se sont fait passer, avec succès, pour des vérités établies. Ce terrain là ne présente pas le moindre intérêt, et il convient de l’abandonner à ce qui reste de curés, même dans sa partie faussement contestataire.

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Les aventures de Dieu – Prologue

Les Aventures de Dieu par Lothaire Balsarin

– Prologue –

Observant comment le capitalisme parvenu à son stade actuel se voit contraint de renouer avec ses origines implicites et de mettre à jour, de plus en plus brutalement, une dimension proprement religieuse de ses présupposés, nous avons décidé de faire paraître, sous la forme d’aphorismes et de fragments se succédant dans un désordre que nous espérons heureux, des observations nées aussi bien au gré de l’expérience quotidienne que de lectures diverses.

En cela, nous choisissons comme Saint Patron le tristement regretté Paul Lafargue, en tant qu’auteur d’un remarquable ouvrage sur le sujet : La Religion du Capital , qui dépassait de très loin le simple pamphlet qu’il se proposait de réaliser : car pour être vraiment drôle et satirique, on n’a pas le choix, il faut toucher dans le mile, et frapper l’adversaire au cœur. C’est ce que fit Lafargue. Que cet adversaire ait un cœur est évidemment une hypothèse controversée. A tout le moins possède-t-il une loi, à laquelle il se tient sans faillir : celle qui consiste à sans cesse valoriser ce qui lui tombe sous la main, et même ce qui ne le fait pas. Les réalités les plus diversifiées ne doivent leur existence qu’à leur éventuel caractère valorisable, ainsi qu’aux circonstances momentanément favorables à une telle entreprise. Les autres, hélas, il est difficile d’en parler, puisqu’elles restent hors-la-loi, condamnées à l’invisibilité dans le meilleur des cas, et à l’inexistence dans tous les autres.

Cette série est intitulée Les aventures de Dieu. Ces aventures sont aussi bien nos mésaventures, car tout ce qui peut être comptabilisé au crédit du surnaturel l’est toujours, dans le même temps, au débit de l’humanité. Ce qu’on attribue à la divinité est toujours ce dont on est dépossédé. Mais il nous plaît de considérer qu’il s’agit de simples aventures de l’avorton céleste et non d’un état définitif, dans la mesure exacte où nous ne désespérons pas, un jour, d’y mettre fin, une bonne fois pour toutes.

Ce sont des aventures aussi au sens où le vilain héros de cette funeste saga a souvent dû changer d’accoutrement et d’identité pour survivre. De multiples fois, il n’échappa à ses ennemis qu’en usant de semblables stratagèmes. Chaque fois qu’on croyait l’avoir acculé dans une impasse, il sut se projeter dans la face de ses poursuivants et survivre en eux. Se situant toujours sur un terrain propice aux retournements brutaux et aux arguties les plus inattendues, il a finalement vécu de ceux qui l’attaquaient plus encore que de ceux qui le défendaient : personne n’a sans doute mieux connu et mieux caractérisé cette logique que l’esprit libre que fut Friedrich Nietzsche, lui qui écrivit que « Luther, ce désastre vêtu en moine, a rétabli l’Eglise et, ce qui est mille fois pire, le christianisme à  l’instant même où il gisait à terre ». Pour Nietzsche, il ne faisait pas non plus mystère que la morale s’était retournée contre son habit religieux et reléguait ce dernier au fripier pour enfin exister en elle-même : « La morale pour la morale – une étape importante de l’histoire de la morale est sa dénaturalisation : elle apparaît enfin elle-même comme valeur suprême. Parvenue jusque là, elle a entièrement imprégné la religion : par exemple dans le judaïsme. Et de même existe-t-il une phase au cours de laquelle elle se sépare à nouveau de la religion, et ne trouve plus qu’un dieu puisse être suffisamment « moral » à ses yeux : alors, sa préférence va à l’idéal impersonnel. Nous en sommes là ».

Le moralisme privé et l’éthique du travail des travailleurs les plus sincèrement révolutionnaires au 19ème siècle et dans la première moitié du 20ème ruina en effet leur athéisme, et les plaça à la merci des bureaucraties staliniennes prospérant sur de telles bases, les livrant ainsi au plus froid des monstres froids. En cela, le diagnostic porté par Nietzsche semblait suffire. Mais la suite des opérations ne conforte pas forcément cette capacité de la morale à s’émanciper de sa gangue religieuse, du moins si on conserve à la morale ses caractéristiques traditionnelles de corps de principes opposé au cours du monde. Si à l’époque du scientisme et du progressisme, le verdict nietzschéen avait semblé parfaitement juste et suffisant, le retournement plus récent de la marchandise contre la morale implique qu’on doive reconsidérer les termes de l’analyse. Disons pour aller vite, et en changeant de terminologie de référence, que le Ça s’étant logé à la place du Surmoi, afin d’en tenir lieu, une morale opposée à l’intérêt a cédé sa place à une morale de l’intérêt. Une plus grande adaptation aux besoins du commerce et de la consommation marchands de ce qui restait d’un appareil psychique malmené par une si remarquable douche écossaise exigeait une morale totalement immanente. Ce besoin d’adaptation, qui s’est traduit par une foule de faux « progrès » et de « libérations » plus trompeuses les unes que les autres, avait toutes les chances d’aboutir dans la mesure où il n’exigeait pas un effort surhumain vers un nouvel idéal construit de toutes pièces, mais au contraire de simplement se laisser aller à la pulsation intime de ce que le système était déjà. Quand le système avance vers sa perfection, et qu’il devient visiblement ce qu’il était essentiellement, il n’a plus besoin d’être fortifié par des béquilles et par des échafaudages ; plus encore, il ne supporte plus ces formations qui sont devenues autant de rivaux obsolètes.

Le système capitaliste parvenu à maturation n’a plus besoin ni de morale ni de religion. Il prétend s’y substituer lui-même, mais surtout, en le faisant, il ne manque pas de révéler à quel point, depuis toujours, les formations prétendument éthérées ou autonomes ne l’étaient aucunement, et ne faisaient qu’exprimer, sous des formes plus ou moins fantaisistes, les exigences de la vie sociale pratique, c.a.d., essentiellement, de l’acceptation par les « fidèles » de la séparation, de la soumission et de la dépossession qui leur étaient imposées. Maintenant que le système exerce directement ce rôle, il affecte de liquider toute soumission et toute aliénation en ne déblayant finalement que celles qui n’étaient pas directement les siennes : et, surtout, pour leur substituer celles-ci. C’est à ce mouvement massif que nous devons le tableau méprisable qui s’offre quotidiennement à notre regard, celui d’esclaves se croyant et se proclamant frénétiquement libres.

Voici en tout cas le terrain sur lequel nous nous situons, et dont les publications successives vont développer l’analyse.

Août 2006


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