Adresse à mes sœurs et frères algériens

par

Par Tarik Ben Hallâj

 

 

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ace au bain de sang perpétré depuis des années dans notre pays, personne d’entre nous ne peut plus garder le silence. Nous n’avons plus seulement le droit, chacun d’entre nous, mais le devoir de prendre la parole, et d’agir. Comme l’a dit un de nos compatriotes interviewé par le quotidien français Libération du 24 septembre, « le silence qu’on nous impose nous tue pour la deuxième fois ».

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out d’abord, je voudrais faire appel à la haine. On nous parle de paix et de sentiments pacifiques pendant qu’on nous massacre, et ces paroles de paix ne sont là que pour mieux nous endormir alors que d’autres affûtent leurs couteaux. Non, c’est bien à la haine que je fais appel, à la haine que méritent tous les assassins de notre pays, et tous ceux qui les couvrent, et, plus encore s’il est possible, ceux qui les commanditent. Car c’est notre peuple, transformé en brebis égorgées pour la fête de l’Aïd el Kebir, et non les islamistes, qu’on veut « éradiquer », nier, supprimer, comme ces femmes en Bosnie auxquelles les criminels serbes faisaient de force des enfants serbes, pour qu’elles les portent et mettent enfin au monde la négation même de leur propre peuple ; et voilà du reste un aboutissement de la perspective « yougoslave » annoncée en son temps par Boumédienne qui doit nous faire réfléchir : en Algérie comme en ex-Yougoslavie, le régime stalinien se décompose en guerres tribales et en règlements de compte sanglants. Ici comme là-bas, la domination bureaucratique et militaire avait largement détruit l’identité pratique des gens, de sorte que la recherche d’une nouvelle identité prend pour finir les traits de la folie : nationaliste, religieuse, fanatique. Et ainsi, avec chaque victime qui meurt, le peuple algérien perd lui aussi de ce peu de dignité qu’on lui avait encore laissé. En tuant des gens au hasard, quel message lui délivre-t-on, sinon celui qu’il ne mérite rien d’autre que de disparaître dans son intégralité ? Car ces assassins, ce n’est pas à une partie du peuple algérien qu’ils s’en prennent, c’est à tout le peuple algérien, au peuple algérien en tant que tel. Tous, autant que nous sommes, nous ne sommes plus que cela, de la viande à l’étalage, des cadavres en sursis. On ne prend même plus la peine de nous mener dans des camps d’extermination, comme les Juifs dans l’Allemagne des années trente : on nous tue sur place, dans nos maisons, en famille, comme on coupe des gerbes sur pied. Après avoir accablé de mépris les femmes de ce pays, en les privant de tous leurs droits, certains pensent qu’on peut étendre ce traitement, qui a fait ses preuves et rencontré, à notre plus grande honte, une vaste complicité parmi les hommes, à l’ensemble de la population. Les assassins, ces châtrés, ne prennent aucun risque, puisqu’ils n’ont aucun courage. Ils massacrent vieillards, femmes et enfants sans défense, comme le chacal et la hyène qui fuient le danger et déchirent des corps affaiblis sur le point de trépasser. Le danger, c’est pour nous, pas pour eux. Ce n’est donc pas une guerre que nous vivons, avec des ennemis qui s’affrontent, mais juste un carnage, le stade suprême de l’inégalité. Il n’y a pas, comme on nous le dit, deux camps qui s’affrontent, il n’y a pas de guerre civile, c’est d’une boucherie qu’il s’agit, où quelques spécialistes sanguinaires déciment une population sans défense. La question, justement, est bien là : il nous appartient de transformer à présent ce carnage en guerre, il nous appartient de commencer la guerre civile, la vraie : celle du peuple contre ses bourreaux. Tous ces gens-là, mes amis et mes amies, il faut qu’aucun d’eux ne survive. L’honneur de chacun d’entre nous est désormais à ce prix. Ne pardonnons jamais à aucun d’entre eux. N’en laissons courir aucun. Pas un seul de ces fumiers ne doit survivre, même blessé, même en prison, même en exil. L’extermination de pareilles brutes et de pareils lâches doit être totale. Nous ne serons plus jamais des agneaux, et ces chiens pelés seront surpris de se trouver encerclés par un peuple de loups. A force de verser le sang, notre sang, il nous ont donné le goût du sang, mais du leur.

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aintenant, parlons du mensonge général à la faveur duquel ces massacres s’accomplissent. Je ne veux pas seulement parler du mensonge le plus simpliste, celui qui consiste à nous seriner avant et après chaque massacre qu’en Algérie, on ne rencontre plus que « des résidus de terrorisme » (comme l’a osé prétendre, à l’instar de Zéroual et de tant d’autres, cette crevure de Ahmed Ouyahia, mais il est facile d’avancer de pareils mensonges quand on vit au Club des Pins ou à Hydra). Ce mensonge-là, dans toute sa lourdeur grotesque, ne vient que décorer l’œuvre terroriste déjà accomplie. Je veux parler d’un mensonge bien plus grave : du mensonge qu’est le « terrorisme » lui-même. Le terrorisme de notre époque, en effet, n’est pas celui des haschischins d’Alamût, ni celui du Viêt-cong, et encore moins celui de la Fédération Anarchiste Ibérique. Quand le temps se fut enfin écoulé, les médias, la « Justice » et même la classe politique italienne, cette brochette de gredins, admirent qu’Aldo Moro avait été tué sur ordre de son propre Parti, que Giulio Andreotti servait la mafia et se servait d’elle, et l’on s’aperçoit, toujours trop tard, que des « Tueurs fous du Brabant » massacraient sur ordre d’une partie de l’Etat belge, qu’une Loge P2 ou qu’un service spécial de type « Gladio » existe en fait dans chaque pays, et que les Brigades Rouges et autre Fraction Armée Rouge ne travaillent jamais longtemps pour leur propre compte. Les « assassinats islamistes » ne sont en aucune manière une spécialité algérienne, contrairement à ce qu’insinue la presse bien pensante. Toujours trop tard, dans vingt ans par exemple, on reconnaîtra publiquement que le peuple algérien se faisait massacrer par le club unifié de ses ennemis, et qu’il n’avait en effet que des ennemis, de faux amis, sur l’ensemble de l’échiquier politique : l’Etat néo-FLN, et le Contre-Etat islamique, aux deux extrémités. Que jamais, vraiment jamais dans l’histoire, un Etat et un Contre-Etat ne s’étaient à ce point partagé le travail, et, en dépit de l’hostilité affichée, n’avaient autant collaboré à opprimer le peuple. Avec des forces de l’ordre déguisées en terroristes eux-mêmes déguisés en forces de l’ordre, la confusion délibérée ne peut plus augmenter, la valse des identités n’a plus de limites. Et, en effet, même la diplomatie américaine l’admet de plus en plus volontiers, l’Etat se maintient en faisant massacrer par des commandos prétendument islamiques la base électorale des Islamistes, pendant que les Islamistes extrémistes, tolérant que l’Etat leur attribue tous les massacres qu’il fait lui-même commettre (par exemple par des communiqués bidon, signés par des « émirs » dont on sait qu’ils ne sont déjà plus de ce monde), empêchent toute alliance politique entre les Islamistes modérés et tous les autres courants politiques. Quand des terroristes se présentent à leurs victimes comme des policiers avec une facilité qui tient souvent au fait qu’ils sont réellement des policiers et se déguisent en terroristes, comme à Haouch Raïs ou à Beni Messous et dans tant d’autres endroits toujours hermétiquement gardés et quadrillés (mais sans résultat) par les forces de l’ordre, le mensonge se révèle au grand jour : par le jeu de ce mensonge, les services spéciaux sont retournés à leur identité première. Ils n’agissent que masqués, mais il n’agissent que là où ils tiennent de toute façon le terrain : et du coup leur masque tombe. Quand on se rend compte que l’électricité a été coupée dans tout un quartier, quand on entend s’approcher le moteur des camions d’assassins, et qu’on appelle l’armée, celle-ci n’arrive pas ; et celle-ci n’arrive pas parce qu’elle est déjà là : elle descend déjà de ses camions, rassemble les gens, les extermine calmement pendant quatre heures, et brûle leurs maisons. Quand on s’enfuit juste avant le massacre, les barrages militaires nous repoussent, et nous renvoient jovialement à la boucherie. Et quand par miracle on échappe aux tueries, la gendarmerie refuse d’enregistrer notre témoignage. Voici comment on vit et meurt de nos jours en Algérie : et la question n’est pas que l’Etat ne nous protège pas assez, comme l’écrivent les journalistes corrompus, mais que l’Etat nous tue. Les agissements de bandes criminelles profitant de la situation pour se livrer au viol et au racket ne changent rien à ce constat, pas plus que la stupidité bien connue d’intégristes prêts à faire n’importe quoi sans même se demander à qui sert réellement leur activité.

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n réalité, ce sont les tractations de couloirs, qui forment le système habituel de l’hypocrisie dominante dans tous les pays « libéraux », qui prennent une forme si sanglante dans un territoire militaire – bureaucratique comme l’Algérie. Les négociations secrètes entre le pouvoir d’Etat et le FIS ne doivent pas aboutir pour ceux dont de tels accords menacent la carrière politique, qu’ils soient aux GIA ou dans l’armée. Mais, ailleurs, quand de la sorte tout va vraiment mal et que les menaces amicales et la corruption habituelle ne suffisent plus, on tue un ou deux meneurs, John et Robert Kennedy aux Etats-Unis, ou Olof Palme en Suède, ou Jean-Paul Ier au Vatican, ou Alfred Herrhausen en Allemagne, ou François de Grossouvre en France, ou quelques innocents entrant dans une gare italienne ou sortant d’un supermarché belge, mais chez nous, il n’a pas suffi d’assassiner ce pauvre Boudiaf, c’est cent ou deux cent personnes par semaine qu’on tue, qui n’ont évidemment jamais figuré au nombre des « décideurs » et des privilégiés : de misérables familles anonymes. Nous sommes les pions insignifiants qu’on sacrifie sur l’autel de pareilles stratégies, et dont on augmente sans cesse le nombre, comme pour compenser cette insignifiance. C’est dire toute l’étendue de l’infamie à laquelle ce régime pourrissant est parvenu. Nos vies, même en masse, ne valent plus rien pour ces comploteurs de l’ordre. L’essentiel, pour eux, c’est que cet ordre règne au point que la population se laisse égorger, désarmée et passive, plutôt que de le remettre en question. Et comment supporter encore de voir s’enrichir à nos dépens, au fond de leurs palais ministériels ou privés, ceux qui font mourir nos enfants dans des fours ? Car nous sommes consentants tant que nous reconnaissons la moindre parcelle d’autorité au gouvernement ou au FIS. Le prétendu « désordre » algérien dont parlent à tout bout de champ les médias, qui regardent toujours tout à travers la lunette du flic, n’est qu’une forme extrême, une excroissance maladive de l’ordre. L’ordre, c’est quand les gens n’ont qu’à supporter le malheur, et à se taire : jamais, donc, l’ordre n’a été aussi absolu, quoi qu’on dise. Mais qu’avons-nous à gagner à cet « ordre », nous qui ne nous sommes pas libérés du colonisateur pour nous retrouver soumis ensuite par nos propres satrapes ? Si nous « avons acheté la pauvreté avec notre cÅ“ur et notre âme », et si nous « avons, dans la pauvreté, découvert de grandes richesses » (Omar Kháyyám), ce n’est pas pour nous retrouver en esclaves de nouveaux riches. Or, la plus grande de ces richesses acquises dans la pauvreté, c’est justement de rester les irréconciliables ennemis de cet « ordre », et d’apprendre, même si c’est dans la douleur, qu’il ne peut exister d’autre démocratie que la prise du pouvoir par le peuple en armes, à condition aussi que ce pouvoir, il le garde à jamais, et ne le délègue plus à personne.

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uisque l’Etat et le Contre-Etat se sont à ce point unis  pour nous détruire, la société civile n’a précisément plus d’autre choix que de se dresser contre les deux d’un même mouvement. Ne nous laissons pas étourdir par les hésitations intéressées du type : « comment combattre les Islamistes sans devenir complice de l’Etat, comment combattre l’Etat sans devenir complice des Islamistes » : ceux qui répandent ce genre de cul-de-sac ont intérêt à ce que nous ne puissions voir plus loin que le bout de notre nez. Il faut de toute évidence combattre les deux, et le troisième point de vue, que ces impuissants font semblant d’ignorer, existe parfaitement : ce point de vue, c’est le nôtre, c’est celui de tout le peuple algérien. Nous cesserons d’hésiter entre les deux camps de profiteurs quand nous cesserons de croire que nous devons choisir entre eux : réglons tout de suite leur rivalité en clamant haut et fort que nous les détestons avec une égale ardeur. Nous les abandonnons à leurs comptes d’apothicaires grâce auxquels ils se dénoncent mutuellement comme ennemis du peuple algérien, car nous savons maintenant d’une façon irréfutable et inoubliable à quel point ils sont parfaitement équivalents dans ce domaine. Nous ne pouvons tout simplement plus confier notre destin à personne, ni aux fous de Dieu, ni aux unités spéciales de la police militaire, ni à des puissances étrangères (qui ne s’intéressent qu’aux ressources énergétiques de notre pays, mais nullement à sa population, et qui veulent bien nous laisser la « souveraineté » de nos problèmes mais en aucun cas la souveraineté de nos ressources économiques), ni à personne d’autre, même si nous l’espérions encore. Comment ferions-nous la différence entre un Etat devenu terroriste et des terroristes voulant devenir l’Etat ? Comment différencier les GIA, ou les ninjas, de l’OAS ? A tous nos ennemis nous devons opposer notre propre réalité. Nous ne disposons plus d’aucune autre ressource que d’imposer nous-mêmes, collectivement, notre loi, à la force du fusil. La population entière doit maintenant s’armer, et s’engager dans une insurrection généralisée. Ce processus est d’ores et déjà commencé. Des groupes d’autodéfense se constituent depuis 1994. Le général Lamari en est fâché : c’est la preuve que nous sommes sur la bonne voie. Rendons-nous compte que le moment que nous vivons, pour terrifiant qu’il est, nous offre aussi cette chance : nous devons nous armer contre les assassins, et, une fois que nous le serons, nous ne rendrons plus nos armes à quiconque. L’opposition armée à une fraction de nos bourreaux ne devra pas nous dissuader de nous opposer à tous nos exploiteurs. Quand les forces de l’ordre nous laissent des armes pour combattre les GIA, prenons-les, et combattons et les uns et les autres. Et quand on ne nous en donne pas, prenons-les, fabriquons-les, ne travaillons plus à rien d’autre. Le temps que nous passons à travailler ou à prier est le temps qui nous manquera pour nous défendre, le temps qui nous coûtera notre vie. Alors, faisons en sorte que le peuple algérien soit en mesure d’exercer ce qu’il avait cru obtenir en chassant les colons : l’indépendance. Nous ne voulons plus être colonisables à merci, par le Pouvoir, par les GIA, ou par d’autres vomissures de la préhistoire de l’humanité, généraux, mollahs, présidents, entubeurs en tout genre. Aucun peuple ne peut être libre s’il ne se débarrasse de ses propres tyrans. Aucun peuple ne peut être libre si la moitié de ses membres, les femmes, sont soumises à un ordre qui veut les rendre tristes, laides, serviles : ce peuple, qui a déjà asservi sa moitié, verra également asservir l’autre moitié. Nous avons bien compris, maintenant, que dans un pays où le peuple n’a plus le droit de dissoudre l’Etat, l’Etat finit par vouloir dissoudre le peuple. Aucun peuple ne se soulève par hasard, sans avoir d’abord accumulé toutes les raisons de le faire : et bien, c’est maintenant chose faite, prenons conscience que nous en sommes arrivés à un tel point de rupture ! Ce n’est plus seulement le pouvoir qui se trouve au bout du fusil, mais déjà notre simple survie. Ce sont les groupes d’autodéfense armés que les circonstances nous forcent de former qui contribueront au noyau de la nouvelle organisation sociale de notre pays. Des comités de salut public doivent être formés dans chaque quartier urbain, dans chaque village. Ces comités doivent être ouverts à tous, hommes, femmes, enfants, à la seule exclusion de ceux qui seront identifiés comme ennemis du peuple algérien, à commencer par les terroristes de tous bords et de ceux qui les aident ou les approuvent. Les groupes d’autodéfense armés doivent émaner de ces comités, et être responsables devant ceux-ci, et non, comme les « Groupes de Légitime Défense » depuis le début 1997, devant le Ministère de l’Intérieur. Ils ne doivent être que le bras armé des assemblées populaires, et rien d’autre ; intégrés à l’armée ou à la police ou à un parti, ils ne manqueraient pas de se retourner contre le peuple, comme tous leurs prédécesseurs, pour s’intégrer à un nouveau pouvoir opprimant le peuple. Les comités, étant ainsi l’organisme d’autodéfense de la population, devront se fédérer, se concerter, s’aider. Puis nommer des délégués et les réunir en assemblée à l’échelle nationale pour prendre en main, progressivement, tous les aspects politiques du pays. Par cet effet de masse seul, nos actuels ennemis seront un jour impuissants et voués à la disparition. Nous aurons sans doute à les combattre, chaque fois qu’ils voudront entraver notre démocratie réelle, mais pour le moment, nous devons les ignorer, prendre en mains nos affaires comme si ces gens n’existaient même pas. C’est à eux de se rallier à nous, ou de montrer qu’ils sont nos ennemis.

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e tardons plus. Algériens : ce n’est pas en voilant nos femmes que nous gagnerons notre dignité d’hommes. Algériennes : votre condition ne fera aucun progrès si vous vous soumettez aux sinistres exigences du FIS. Les plus belles femmes ont les cheveux au vent, le regard brillant et espiègle, de vivantes images de la liberté. Les hommes les plus virils sont ceux qui aiment les femmes ainsi, et pas autrement. A bas l’infâme Code de la Famille ! Plus de voile, plus de foulard, plus de patriarcat. Au lieu de nous opposer entre hommes et femmes, unissons-nous contre nos véritables ennemis. L’égalité des sexes est indissociable de la liberté politique. Laissons enfin tomber cette misérable obsession craintive du sexe qui mutile tous les pays islamiques, dont la prétendue « culture » repose sur la crainte et la haine des femmes, et occupons-nous désormais des véritables problèmes, en commençant par ceux qui nous font mourir de plus en plus nombreux, et de plus en plus honteusement. Alors, quand nous nous serons débarrassés de nos ennemis, nous pourrons affirmer, comme Ibn Khaldûn : « je suis parvenu à éveiller mon esprit, à l’arracher au sommeil et à l’étourderie ». Sortons de notre cachot militaire et de nos chiottes spirituelles, respirons le grand air, et finissons-en avec tous ceux qui s’opposent à nous.

Le 28 septembre 1997

 

Commentaire des Amis de Némésis lors de la mise en ligne du texte le 01.05.2001:

Ce texte nous est parvenu fin septembre 1997, tout fraîchement écrit. Il avait été alors diffusé aux personnes et aux publications suivantes, sans réaction particulière de leur part, du moins à notre connaissance : Alexandre Adler ; Alternative Libertaire ; Amicale des Algériens ; Amicale des Algériens en Europe : Amnesty International ; Association amicale des Algériens de Marseille ; les Associés Autonomes ; Coup de soleil ; Echanges et Mouvement ; Djamila El Idrissi ; El Lokal ; El Watan ; France Algérie ; Hafsa Zinaï Kaoudie ; Jeune Afrique ; Khalida Messaoudi ; Jean-François Kahn ; L’Evénement du Jeudi ; La Tribune (Alger) ; Latifa Ben Mansour ; Le Canard Enchaîné ; Le Libertaire ; Le Matin ; Le Monde Diplomatique ; Le Monde Libertaire ; Les Inrockuptibles ; Liberté (Alger) ; Librairie du Boulevard (Genève) ; Librairie L’Odeur du Temps ; Louisa Hanoune ; Marianne ; L’Achèvement ; Pour ; Ramdane Hakem ; Madeleine Rébérioux ; Revue Rive ; Salima Gehzali ; Sid-Lakhdar Boumédienne, Libération ; Union Régionale Rhône-Alpes de la Fédération Anarchiste. En matière de réaction, nous n’avons en tout et pour tout eu connaissance que de celle des Associés Autonomes, à Lyon, dans leur publication. Que d’autres, dont la réaction nous aurait échappé, corrigent notre ignorance s’ils le souhaitent.

Maintenant que l’article de Yassir Benmiloud et Samy Mouhoubi dans Le Monde du 26 novembre 1999, ainsi que les livres de Djallal Malti (La nouvelle guerre d’Algérie, La Découverte, 1999), de Nesroulah Yous (Qui a tué à Bentalha ?, La Découverte, 2000) et de Habib Souaïdia (La sale guerre, La Découverte, 2001) sont venus préciser pour le public français, avec suffisamment de détails, ce que la population algérienne sait depuis longtemps, et ce que l’article de Tarik Ben Hallâj exprimait dans les grandes lignes en 1997 avec une pathétique vigueur, ceux qui se sont tus pourront se demander jusqu’à quel degré ils se sont rendu complices des massacres en Algérie. Car aucun de tous ceux qui savaient et qui se taisaient ne pourront conclure, après un tardif rattrapage : dixi, et salvavi animam meam.

Pourquoi donc republier cet article de 1997, plus rhétorique et moins documenté que les ouvrages ultérieurs que nous venons de citer ? Parce qu’il fut tout simplement le premier à dire la vérité ; et parce que contrairement aux ouvrages cités, il entendait apporter sa contribution à un développement révolutionnaire en Algérie, qui restait (et qui reste de façon inchangée) le seul véritable remède à la destruction de la société civile. La création des milices pouvait-elle ou non être détournée au profit de la population, comme le préconisait Tarik Ben Hallâj ? Le fait est qu’en dépit d’un besoin clairement exprimé et que rapporte à plusieurs moments le livre de Nesroulah Yous (p. 129-131, 146, 258-259), il n’en fut rien, l’armée parvenant à conserver la mainmise sur des milices mercenarisées. Mais ceux qui critiqueront cette « utopie » de Tarik Ben Hallâj devront aussi se demander s’ils avaient à l’époque une meilleure idée ; ou même s’ils l’ont à présent.

Désormais, l’Algérie doit être universellement reconnue comme le laboratoire à grande échelle où s’applique la stratégie de « contre-insurrection » que divers services spéciaux avaient expérimentée dans plusieurs pays européens, en décapitant des groupes terroristes, et en plaçant à leur tête leurs propres infiltrés, mais sans aller jusqu’à des massacres d’une telle ampleur, et d’une telle barbarie. Les analyses effectuées jadis par Guy Debord et par Gianfranco Sanguinetti trouvent là leur aboutissement le plus conséquent, et il faut relever la terrible unité internationale dans l’adoption de ces méthodes.