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« Il semble que, si les Anciens ont représenté Némésis comme fille de la Nuit, ce n’est pas tant pour l’épouvante qu’elle inspirait qu’à cause de son origine mystérieuse. »
Friedrich Hölderlin
« Le concept philosophique de Némésis était vénéré à Rhamnonte, où le commandant en chef des Perses qui avait l’intention d’édifier un trophée en marbre blanc pour célébrer sa conquête de l’Attique avait été obligé de se retirer à la suite de la nouvelle d’une défaite navale à Salamine ; le marbre fut employé pour une statue de la déesse-Nymphe Némésis. On suppose que c’est à cause de cet incident que Némésis en vint à personnifier la “vengeance divine” et non plus le “juste décret” du drame annuel de la mort ; pour Homère, en tout cas, Némésis était simplement un sentiment humain d’honnêteté qui poussait à régler une dette loyalement ou à accomplir son devoir comme il convenait. »
Robert Graves
« Il faut en toute chose considérer la fin, car à bien des hommes le ciel a montré le bonheur, pour ensuite les anéantir tout entiers. »
Hérodote d’Halicarnasse
« L’idée de justice vengeresse, qui avait trouvé une formulation sans équivoque avec le célèbre propos d’Anaximandre selon lequel “les êtres sont châtiés et expient, au temps fixé d’avance, leur réciproque injustice”, se fondait sur l’idée que l’excès doit pour finir s’effondrer, et que l’existence serait elle-même excès si elle ne comportait ce juste retournement. Mais parmi tout ce qui peuple le monde sublunaire, il n’existe assurément aucun excès aussi évident et aussi repoussant que l’existence du Pouvoir. »
Les Amis de Némésis
Depuis sa fondation le 1er mai 2001 jusqu’au 26 octobre 2009, le site Internet des Amis de Némésis avait été hébergé par Geocities. Du fait de la cessation de cette activité sur le Net, notre site devait donc migrer, et il se trouve désormais, après une interruption de presque un an, à l’adresse:
www.lesamisdenemesis.com.
Comme le savent nos anciens lecteurs, le site est consacré à la critique de la domination de la vie par l’économie capitaliste-marchande.
[Télécharger la présentation des Amis de Némésis au format PDF (Accueil) ou poursuivre la lecture.]
Plus précisément, cette critique se fixe les orientations suivantes.
Elle doit porter sur les terrains que la domination économique annexe de façon ininterrompue alors que, jusqu’à une date récente, ils ne lui étaient pas encore soumis, ou seulement marginalement, et montrer de quelle façon ce quadrillage de plus en plus irrespirable réduit tout potentiel évolutif à sa propre dimension totalitaire, qui ne veut rien tolérer qui soit étranger à l’empire du capital et de sa mise en valeur.
Parallèlement à cette marche progrédiente, elle doit aussi approfondir de façon régrédiente les origines historiques du comportement « économique » et en développer la dimension anthropologique, qui ne se réduit aucunement au simple calcul pragmatique, comme on aime à le faire croire. Cette recherche ne peut donc éviter de s’intéresser aux origines rituelles (religieuses) des représentations et des pratiques économiques.
En contrepoint de ce qui précède, l’intention est également de comprendre et de développer ce qui a été qualifié de politique, de façon inaugurale par les Grecs, comme seule activité opposable à toute aliénation de la souveraineté du peuple, à toute « loi » lui venant d’ailleurs (du monarque, de la religion, de l’économie), et donc se situant forcément aussi aux antipodes de ce que la bâtardise contemporaine qualifie par antiphrase de « politique ». La dimension politique de la vie humaine ne peut en aucun cas être réduite à un secteur spécialisé de la société, à un milieu de « professionnels » ou à un domaine distinct de la vie, ou bien elle y perd son être même. En droit comme en fait, les deux catégories qui faisaient figure de sujet politique (l’entité nationale et la classe sociale) ne sont plus guère capables de jouer ce rôle, raison pour laquelle la question se pose désormais à quitte ou double : l’activité politique ne pourra plus être enfermée dans son ancienne cage.
Un quatrième sujet ne pourra compléter ce qui précède que de façon ponctuelle, étant l’examen des formes et des mouvements tentant de s’opposer à la domination économique.
Compte tenu du nombre très restreint de collaborateurs, notre site ne peut garantir des publications nombreuses, ni même régulières sur l’ensemble de ces sujets. Le rythme et la nature des parutions se feront donc au gré des occasions et de l’inspiration de chacun. Compte tenu de nos moyens limités, nous ne pourrons développer ou mentionner qu’une infime partie de ce qui le mériterait, et notre silence sur le reste ne doit jamais être interprété comme étant dû au mépris ou à l’absence d’intérêt : qu’on veuille bien nous croire moins arrogant que cela, et nous laisser le soin de l’être quand cela nous semblera approprié. Malgré une certaine variété dans le choix des sujets, liée aux explications qui précèdent, notre perspective restera invariablement la même, tant il est vrai qu’il nous paraît impossible d’aborder la moindre question (quelle que soit l’étiquette qu’il est convenu de lui affecter : esthétique, économique, politique, scientifique, psychologique, philosophique) sans retrouver au fond de chacune la présence et l’influence du conflit historique entre la valeur et le réel qui a désormais imbibé le monde entier, sans plus rien y épargner.
Les rubriques qui composent notre site sont les suivantes :
1. Articles publiés : des essais, le plus souvent assez courts, téléchargeables en format Pdf et donc lisibles en version papier, généralement rédigés par l’un d’entre nous, mais aussi parfois par un auteur qui nous est étranger, et que nous avons au préalable consulté (en tout cas chaque fois qu’il s’agit d’un auteur vivant);
2. Comptes-rendus de lectures : notes prises à propos de parutions faites par des tiers, et où nous voyons un intérêt particulier pour notre perspective générale;
3. Blog : il s’agit d’un blog « modéré » par nous (même s’il n’est pas toujours modéré dans le ton), puisque nous décidons intégralement de ce qui est publié et n’offrons pas le caractère automatique des publications que prévoient certains blogs, lesquels se condamnent ainsi à ouvrir leurs vannes sur un océan aléatoire de sottises auquel ils avaient, un bref instant, songé s’opposer.
La domination d’une époque exige la domination de sa pensée, fût-ce au prix de la réduire à néant. La période contemporaine n’innove à cet égard que par le fait d’appliquer cette maxime avec plus de rigueur et de systématicité qu’aucune autre époque ne le fit jamais. Il est vrai que pour y parvenir, elle dispose d’un équipement technologique tout à fait inédit, d’une censure omniprésente et des premiers résultats, déjà très présentables, d’un authentique délabrement anthropologique, trois facteurs qui ouvrent une vaste carrière à semblable projet. Tout désormais ne doit être que monologue redondant, stérile et intéressé d’une actualité se ressassant elle-même, dans ses propres termes, au prix d’une rapide succession d’aggiornamentos de la novlangue en vigueur ; et le soutien actif de la population dans cette entreprise de destruction de la pensée est bien sûr fortement sollicité. L’organisation présente de la servitude ne pourrait se passer même brièvement de l’aide que lui apportent son propre idiome et l’acceptation massive de l’universalité de ce dernier, ce n’est donc pas là un sujet avec lequel le pouvoir peut plaisanter, sauf quand sa mise en cause ne dépasse pas de petits cénacles confidentiels comme le nôtre, noyés dans l’océan d’Internet.
Avoir quoi que ce soit en commun avec les normes qui régissent ce monologue, voilà donc ce qu’il faut à tout prix éviter soi-même, si l’on veut donner à la vérité la plus petite chance de frapper à notre porte, et si l’on veut apporter quelque fraîcheur à la perspective adoptée. Or, dans ce domaine, les bonnes intentions ne suffisent jamais, la complicité involontaire nous guette à tout instant, et il est bon de garder comme guide d’ensemble l’idée que tout ce que l’on avance doit à la fois être fondé et rationnel, mais aussi fondamentalement incompatible avec un système qui sait comme aucun autre avant lui intégrer les critiques parcellaires à sa logique circulaire.
Ainsi défini, notre propos serait assez banal s’il existait déjà un mouvement social de remise en cause de l’ordre établi, ayant trouvé son propre langage ; mais de cela, il n’existe que bribes et fragments, dont il est d’ailleurs difficile de mesurer l’ampleur en temps de « paix sociale » : car si d’une façon qui n’est que trop visible, nombreux sont ceux qui n’aspirent qu’à nager avec le courant, partout où ils se trouvent, endossant et défendant avec complaisance les rôles médiocres qui sont exigés de chacun, rejoignant ainsi la cataracte tonitruante du spectacle, tout cela produit aussi l’apparence trompeuse d’un silence qui serait absolu du côté du vivant. Jamais, il est vrai, nous ne pourrons dénombrer ou évaluer les individus honorables qui auront compté parmi nos contemporains ; quels rêves avaient malgré tout survécu avec eux ; quel inconnu, condamné pour toujours à l’obscurité, nous semblerait finalement plus respectable que l’ensemble cumulé des vedettes de la contestation ; quelles envies de vivre ont résisté ça et là pendant un long moment, avant de finir vaincues à leur tour ; qui, là où il se trouve, parle et agit sans se comporter en complice convaincu du pouvoir, et en laissant entrevoir et désirer autre chose que la misère dominante (autant de qualités vivantes très largement absentes de cette « marginalité critique » dont l’histoire depuis quatre décennies fut celle d’une totale déconfiture, tant on y avait cru pouvoir se préserver de l’aliénation en reproduisant dans son coin quelques attitudes totalement ritualisées). Que le pouvoir applique toujours et partout la vieille maxime « malheur aux vaincus », cela signifie aussi et surtout cela : entretenir cet anonymat, cette ignorance, condamner à l’invisibilité ce qui se situe du côté d’une rupture avec sa logique. C’est ainsi et pas autrement que se constituent en pratique le néant d’une époque et l’infamie du système dominant, une éclipse de l’humanité ainsi qu’un interdit portant sur sa redécouverte, un spectacle débarrassé de toute contradiction. Quant à ceux qui ont pris contact avec la sphère de la notoriété personnelle, ils ont inexorablement migré dans le camp adverse, d’autant plus s’ils ont cru utile de proclamer qu’ils ne le faisaient qu’avec mépris, et comme malgré eux : par leur exemple, ils renforcent encore le sinistre mensonge qu’il y aurait des « élites », du simple fait que le spectacle est là pour les reconnaître.
Si, la difficulté de trouver un langage contraire au spectacle dominant n’est pas mince, c’est bien sûr faute d’une action de masse radicalisée, où une partie de la population pourrait apprendre à juger sa propre activité et à créer dans les faits la dimension réflexive qui est inséparable de toute véritable prise de conscience. Dans ces circonstances, il faut admettre qu’on verra encore des ennemis présumés irréductibles du système exprimer, à la moindre occasion, combien leur goût est toujours celui que propage ce système, jusqu’à en devenir les tristes pionniers, ou des esprits assurément vifs et incisifs croire en toute sincérité, afin de fonder leur propre réflexion, devoir recourir aux sources universitaires les plus avariées et faisandées pour établir des raccourcis douteux entre la métaphysique et l’action directe, comme on l’a vu récemment en France. Quand par ailleurs le développement du système de production dominant a confiné sa partie matériellement détournable à quelques régions du globe, dont le reste du monde dépend désormais sans plus rien tenir en mains lui-même, et que, pire encore, il transforme cette production d’objets utilitaires, en principe matériellement détournable, en mensonges empoisonnés et en infréquentables panégyriques de la misère existante, définitivement indétournables en leur état actuel, il faut admettre qu’une sortie du système n’est pas immédiatement l’hypothèse la plus vraisemblable. L’impasse nous contient, et le plus fâcheux est encore que certains radicaux, à l’instar des plus intégrés, se croient dotés du talent d’y échapper. Qu’on interprète l’impasse qui nous contient tous avec une sorte d’optimisme dialectique, ou qu’au contraire on y distingue l’irrémédiable commencement d’une fin sans appel, il est clair, à tête refroidie, que notre éloignement de ce qui serait nécessaire au redressement n’a jamais semblé aussi gigantesque. Pour comble, la parfaite régularité qui caractérise le déploiement d’une aussi désastreuse logique lui confère tous les traits d’une nécessité, à laquelle seul un miracle pourrait échapper : mais si cette nécessité est réelle, elle l’est seulement au sein d’une totalité historique qui est elle-même condamnée. Sa façon de nous priver de vie met désormais en danger la survie elle-même, de plus en plus souvent, de sorte que les victimes, découvrant l’une, sont aussi en péril de découvrir l’autre : d’une façon comme d’une autre, les jeux ne sont donc pas faits. Autant ajouter qu’en pareille circonstance, notre originalité (comme celle de ceux qui agissent d’une façon comparable) n’est fondée que sur la faiblesse provisoire de notre camp, et cette originalité, nous n’avons évidemment d’autre désir que de la perdre le plus rapidement possible.
Car si une remise en cause du système dominant paraît à nouveau plausible, c’est du fait d’une marche forcée et dépourvue de tout scrupule entreprise par la logique capitaliste, qui ne cesse plus de franchir les points de non-retour les plus variés : destruction à grande échelle de l’emploi, par ailleurs toujours traité comme seul fondement et seule justification de la survie, et condamnation de populations entières à la piraterie, au trafic de drogue et à une décomposition générale de la vie sociale puisqu’il ne leur est possible n’y de maintenir l’ancienne économie de subsistance, ni de prendre place dans la division internationale du travail ; destruction simultanée de ce qui reste des villes (transformées soit en musées soit en bidonvilles) et des campagnes (devenues soit parcs naturels soit déserts humains) ; destruction de l’assise naturelle de notre vie pour confier la création et la gestion d’une « seconde nature » à des groupes industriels créés ad hoc, qui prennent en main la production d’une humanité biotechnologiquement dépendante ; destruction accélérée des facultés de représentation mentale non assujetties à l’idéologie dominante, à commencer par le sens de l’espace, le sens du temps et le sens de soi-même, une destruction qui ne fait à la base que reporter les exigences du travail – une disponibilité de tous les instants – sur le reste de la survie, rendant obsolètes toutes les tentatives passées de délimiter et de protéger un îlot au moins qui échapperait à la domination ; destruction récurrente de toutes les formations intermédiaires, un tantinet protectrices, entre l’individu et le marché, à la façon dont le protestantisme avait jeté l’homme solitaire face à dieu, – cette liste étant bien sûr non limitative), des lieux comme le nôtre peuvent sans doute apporter une contribution, à ne jamais surestimer, au mûrissement de certaines notions et à l’abandon de certaines autres, mais il leur est impossible de dépasser les limites étroites de ce que, en d’autres temps et d’une façon un peu trop pacifique, on avait appelé des « clubs de réflexion ».
1er septembre 2010
Les Amis de Némésis
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