Désir et besoin

Rapport provisoire sur la médiation, son statut et ses ressources

 

Par Luc Vendramin

 

Deux approches théoriques de la question du désir se distinguent généralement, chacune exclusive de l’autre. La première se concentre sur l’individu, sur un plan ontogénétique. La seconde adhère à la phylogenèse, et considère le désir comme un élément soumis aux variations historiques collectives. Dans les deux orientations, on touche à d’indéniables éléments de vérité, mais leurs principaux défauts demeurent d’abord de s’ignorer réciproquement, rompant ainsi toute chance de situer la dialectique qui, selon toute vraisemblance, relie l’une à l’autre ; puis de postuler l’une comme l’autre un « en-deça » du désir, le besoin, comme une base stable, que l’on peut considérer comme mesure invariable du désir (lequel est dès lors invalidé comme vaticination arbitraire), ou que l’on peut au contraire rejeter comme stade primitif et misérable de l’humanisation (justifiant ainsi l’inflation illimitée de la concupiscence marchande).

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Dans cette référence au besoin se trouvent fondés tous les courants, qu’ils soient réformateurs ou plus ouvertement soumis au présent : et par la pauvreté de cette référence, ils se trouvent également caractérisés comme moralistes, et donc réfutés.

Aux débuts de la société bourgeoise, la dichotomie conceptuelle entre besoin et désir ne faisait que reproduire passivement dans le champ théorique le clivage de la société en classes : le besoin figurant la condition prolétarienne, et le désir le luxe bourgeois. Désormais, par suite de la concentration de la classe bourgeoise et par suite de la dissolution de la culture et du mode de vie bourgeois par le capital lui-même, c’est d’une autre opposition qu’il s’agit : de celle entre la propagande marchande et la réaction qu’elle programme (une sorte de néo-stoïcisme qui peut adopter des couleurs ouvriéristes ou terroristes en Occident, ou plus ouvertement religieuses ailleurs dans le monde). Or, ce n’est pas sur ce mode qu’on peut parler du besoin, comme nous allons voir. Ni, donc, du désir. Partons de la première approche, ontogénétique, du désir. Si le besoin se présente comme une caractéristique universelle du monde vivant, comme manque déterminé et comme anticipation d’un objet extérieur indispensable au métabolisme de l’être, c’est que s’est instaurée une relation immédiate et simple entre sujet et objet du besoin : ainsi en est-il de l’animal et de son alimentation, de la plante et de sa photosynthèse. Le besoin apparaît comme un mode de relation stable, ancrant le sujet vivant dans son environnement et ayant tendance à se perpétuer identiquement, à travers la programmation génétique d’un mode d’interaction. Depuis les êtres monocellulaires, dont la morphologie simple inclut un orifice débouchant sur le monde, à la fois bouche et anus, le vivant n’est que cette synthèse entre l’absorption, l’assimilation et le rejet. Il n’est guère possible d’imaginer la naissance des formes primitives, animales, de fonctionnement mental comme distinctes de la perception du manque, de l’incomplétude du sujet, de la recherche de l’objet qui bouche la béance du besoin, et donc de cette détermination négative de l’ouverture au monde. Le manque à être n’est pas distinct de l’être et encore moins opposé à lui, il est en réalité identique avec lui : plutôt que de définir le manque par rapport à l’être, il paraîtrait justifié de définir l’être par rapport au manque.

Mais ce manque, qui plombe l’être, va aussi lui permettre de se différencier, de se raffiner, et, finalement, d’inverser la tendance, en donnant à l’être cette capacité de profusion et de générosité solaire qui fera de lui une source intarissable de dépense. La réalité simple du besoin tend en effet à se modifier dès que le besoin du vivant a entrepris de se médiatiser. Plus l’être vivant interpose entre lui-même et l’objet de son besoin des médiations, qu’elles soient organiques et naturelles, ou extérieures et instrumentales, plus le lien immédiat se brise, et se transforme en englobant la médiation, au point de tendre dans certains cas à substituer la médiation à l’objet final, ce qui est déjà le cas dans la sexualité animale. Ce qui peut déboucher de la sorte sur des formations fétichistes présente dès ses prémisses la caractéristique de donner au besoin la forme altérée du désir. Une chance et un danger apparaissent dès lors comme conjoints et comme conséquences de l’ouverture au monde, puisque dans sa spirale sans cesse élargie, la reproduction de la médiation opère des cercles concentriques toujours plus étendus, au point d’y englober la totalité de l’étant. Ce n’est évidemment pas du besoin, étroitement limité, dont le monde peut devenir objet, seulement du désir, qui est à sa mesure puisqu’il est potentiellement infini.

La dimension temporelle est elle aussi profondément affectée par le passage du besoin au désir. Le besoin est un état temporaire et cyclique du vivant, dont l’apparition alternante provoque l’éveil, la tension, une ouverture au monde que l’on pourrait sans exagération qualifier d’ouverture clôturante, puisqu’elle ne cherche dans le monde qu’un fragment bien précis, pour pouvoir cesser de souffrir, pour retourner à l’assoupissement existentiel. Lorsque, dans certaines configurations névrotiques, le désir se présente comme se réduisant au besoin, et à l’éclipse bornée de la subjectivité qui le caractérise, il ne manque jamais de susciter chez autrui une impression persistante de déshumanisation. Le désir, au contraire, étend le moment de manifestation de la subjectivité à l’écoulement ininterrompu du temps. Le besoin se satisfait, pas le désir. Le désir n’accède pas à des moments de clôture, mais à des seuils qualitatifs. Post coïtum animal triste : on n’a jamais vu de besoin triste une fois assouvi, mais le désir peut s’attrister de rencontrer une limitation à son activité, qui lui rappelle celle du besoin, alors qu’il cherchait à se réaliser, c.a.d. à se perpétuer. Il y a là un sujet dont pourront disserter à l’infini, par la réflexion et surtout par l’activité expérimentale, les individus d’une époque libre. Toujours est-il que la devise propre à la sphère du désir, qui est celle de la médiation qui le maintient, demeure : « denn alle Lust will Ewigkeit » (« car tout plaisir veut l’éternité », Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra).

Dès qu’on entre dans la sphère du désir, on quitte la sphère immédiate des nécessités données et l’on se voit confronté à un écartèlement insolite entre les extrêmes, puisque le désir apparaît tantôt comme futile et contingent, tantôt comme plus fort que le besoin et mettant en cause l’être tout entier, au point de le faire renoncer à sa propre pérennité. Par ce caractère hybride et instable, le désir témoigne d’emblée de ce qu’il sort de la sphère naturelle, purement matérielle, et de ce qu’il se fonde sur l’introduction d’une dimension symbolique, qui est à la fois étrangère au besoin et qui prend le pas sur lui. Le désir monte en puissance quand l’être s’identifie avec la médiation, et cette identification est inhérente à l’existence et au déploiement de la médiation. C’est dire que la médiation se crée un espace, un interstice qui lui est propre, et qui semble pouvoir s’élargir indéfiniment, où le sujet trouve l’espace transformable de son identité : on est ce qu’on aime, et rien d’autre. A mesure que la médiation se multiplie et se structure en système autonome, qu’il s’agisse d’instruments langagiers, techniques, vivants ou imagiers, l’objet du besoin et le besoin lui-même sont annexés voire supprimés, effacés, anéantis par elle, dont elle était le chiffre, et dont elle devient le simulacre, voire le substitut. Dès les débuts de l’hominisation, la médiation ne s’est pas réduite à un intermédiaire entre le besoin et l’objet matériel du besoin, mais elle était déjà médiation entre le sujet et son plaisir, elle était déjà support du désir. Le désir et le plaisir étaient déjà, malgré le caractère rudimentaire de la vie matérielle, davantage recherche de reconnaissance et de participation à la communication entre humains (et dieux, ce qui revient au même) que recherche d’un objet. Ce caractère éminemment social du désir humain n’a rien de mystérieux. L’aube de la vie individuelle se présente comme rupture avec la vie intra-utérine, mais de cette dernière, la première conserve néanmoins une empreinte indélébile, sans cesse reproduite par des réminiscences de dépendance maternelle, dont la perduration ne doit pas être sous-estimée. La médiation croît aux dépens de sa matrice originaire, mais aussi en reproduisant sa place logique, puisque les phantasmes de retour au sein maternel rassureront le sujet autant qu’ils l’alièneront, jusqu’à perpétuer la déplorable perception imaginaire d’une identité entre consolation et aliénation. La réalité langagière et le comportement qu’elle structure livreront ensuite l’instrumentation capable de tenir à distance aussi bien l’effroi de la déréliction que le pathos fusionnel, mais au prix d’un nouvel asservissement. La dialectique interne au langage trouve là tout son champ : monde clos, certes, où tout semble se répondre à l’intérieur d’un univers circulaire, capable de condamner le sujet à un être-là plus sénescent que toute condition animale, mais dont le libre déploiement peut aussi ouvrir à l’esprit, et à l’action, aux régions les plus reculées du réel, lequel se constitue comme sous l’empire d’une telle médiation.

La constitution du besoin en désir, qui commence dès l’apprentissage du langage, est aussi identification avec le désir d’autrui, puis refus ou aménagement de celui-ci. En se situant comme sujet parlant, l’individu prend place dans cette arène, qui est celle de la transformation potentielle du monde : tout se discute (chose qu’on ne mesure qu’à la faveur d’époques moins asservies que la nôtre). A tel point qu’à force de ne pas y parvenir, il ne reste de nos jours plus grand chose de discutable. Dans l’économie du sujet, la réussite de la transformation du besoin en désir sera étroitement liée à la reconnaissance de l’environnement par le désir, mais aussi de la vérité du désir par l’environnement, car la première seule, sur laquelle les raisonneurs s’appuient sans relâche, ne suffit qu’à accentuer le malheur. Pour que l’individu puisse s’adresser à ses semblables, il faut que l’organisation sociale fournisse un champ ouvert à l’invention de la parole, et n’exige pas la réduction de cette dernière à une pauvreté sémantique établie, voire à la disparition du signifié, concomitant, de nos jours, de la disparition de la valeur d’usage. La condamnation du désir à l’inconscient, et donc à des formes imaginaires et infantiles, condamnation qui tend à constituer toute la réalité des vies individuelles de notre époque, est l’inverse d’une telle réussite, et donc l’indicateur précis de l’échec de l’entreprise civilisatrice : pourtant, à vrai dire, la seule entreprise qui compte.

Quoi qu’il en soit, en se mêlant au désir d’autrui, le sujet se rend sur un terrain où la source de satisfaction porte sur la reconnaissance, c.a.d. sur le terrain que la cité grecque, après l’avoir conçu comme agonistique, avait finalement compris comme politique. Nous y reviendrons plus loin. Contentons-nous pour l’instant de constater qu’il n’est pas possible d’analyser la constitution du désir à l’échelle individuelle sans déboucher immédiatement sur une amplitude historique et collective insoupçonnée : l’histoire individuelle est condamnée à l’imperfection et à l’échec tant qu’elle se situe dans cette trop longue période qui commence par l’abandon du pur besoin sans parvenir encore à l’appropriation du désir, période plurimillénaire que l’on pourrait, par analogie avec ce qu’écrivait Marx, qualifier de préhistoire.

Si l’on aborde à présent la seconde approche, phylogénétique, sous forme d’histoire collective, celle-ci ne peut être envisagée de la même façon empiriquement confirmée que la vie individuelle, qui est soumise à une logique de finitude. A la différence de l’individu, l’espèce n’est pas ce cycle observable que nous pouvons contempler comme tel, sans cesse achevé et relancé, et comme si nous lui étions extérieurs (nous ne sommes extérieurs à rien du tout, mais éprouvons ce sentiment quand nous faisons face à une loi récurrente, dont nous surplombons la temporalité), et assigner à l’évolution historique le stade de sa réalisation actuelle comme objectif axiomatique ou comme terme factuel (ce qui revient au même) ne se justifierait d’aucune façon, puisqu’à la différence de l’individu, l’espèce n’est pas ce cycle observable que nous pouvons contempler comme tel. Aucun terme ne s’impose à l’histoire collective comme résultat à partir duquel on pourrait juger de ce qui précède (nous ne disposons justement pas d’une anatomie du surhomme à opposer à l’anatomie de l’homme). La réflexion est ainsi condamnée à ne pas quitter le suspens dialectique où l’enferment les contradictions actuellement existantes ; mais aussi à ne jamais perdre de vue ces contradictions, et le possible qui s’y profile.

Historiquement, tout porte à penser que l’humanité n’a jamais connu le besoin au sens absolu, mais que son histoire coïncide d’emblée avec celle du désir et de sa généralisation (même si c’est sous forme aliénée). Le règne animal ne connaît du désir que de premières esquisses, comportements dans lesquels symbolique et imaginaire fusionnent en une identité éthologique encore indistincte, privilégiant l’imaginaire. Dans l’histoire humaine en revanche, du fait de la dimension symbolique de la médiation, le besoin apparaît plutôt comme une réduction circonstanciée et contrainte du désir. Si le besoin demeure indéniablement la matière première du désir sur un plan chronologique, ce rapport s’inverse sur un plan logique dès qu’il s’agit de l’homme, pour qui le désir devient l’élément dominant et englobant. Il n’est pas vrai que le désir serait comme la forme conventionnelle variable (type valeur d’échange) d’un substrat objectif (type valeur d’usage). Présupposer ainsi la primauté du besoin, c’est réduire la phylogenèse à une image elle-même déjà fausse de l’ontogenèse. Il est vrai qu’à chaque procréation, l’humanité renoue non pas avec ses débuts, mais avec ce qui les précède, tant et si bien qu’il faut qu’un certain temps s’écoule pour que le visage du nouveau né s’humanise, lorsque son être s’articule sur la médiation maternelle soudain distincte de son corps propre ; mais, pour reprendre l’image de Merleau-Ponty selon laquelle la marche est une chute rattrapée, la rechute de l’humanité dans l’animalité ne dure qu’une éclipse, et demeure virtuelle (c.a.d. ne se reproduit pas en tant que telle, et disparaît dans ce qui la dépasse), témoignant en cela que, selon l’expression de Marx, « l’essence de l’homme n’est pas une abstraction inhérente à l’individu isolé. Dans sa réalité, elle est l’ensemble des rapports sociaux » (Thèses sur Feuerbach).

Si toute l’histoire de l’humanité se déroule au-delà du besoin, il existe toutefois des époques qui ressemblent furieusement à une recherche approfondie sur le besoin, menée in vivo et sur grande échelle. Il s’agit des régimes despotiques, de préférence dans leurs composantes les plus criminelles et monstrueuses. Emprisonner, brimer, dépouiller, torturer, réduire à presque rien un être humain, comme dans les innombrables camps de détention et camps de la mort qui ont émaillé la planète depuis un siècle, c’est démontrer par abstraction violente de son humanité à quels besoins « véritables » il peut finalement se réduire. On apporte la preuve de quoi il ne peut pas se passer, non pas pour vivre en humain, mais pour survivre biologiquement un certain temps. Cette variété précise de scientifiques en uniforme peut se vanter de déterminer expérimentalement que le besoin s’avère d’une extrême pauvreté, au point d’en devenir la réalité la plus évanescente. C’est ce qui reste quand on a tout perdu, c.a.d. un stade qui n’est même pas susceptible de se perpétuer, en tout cas autrement que sous la plus vive contrainte, et limité par elle. Le besoin apparaît alors comme ce qu’il est, comme une limitation artificielle et violente de la condition humaine, comme le support non naturel de la simple survie, comme résultant d’une forme concentrée et absolument conséquente de privation politique. Bien que frappant le regard et le concentrant sur elle-même, la dureté des conditions de survie matérielle ne vient qu’illustrer et sanctionner une privation d’un autre ordre.

Les sociétés les plus anciennes sont au contraire celles où l’universalité du désir se montre de la façon la plus évidente, ce qui a largement contribué à l’hypothèse controversée d’un communisme primitif. Dans ces sociétés, rien n’est accompli, dans aucun domaine, sans avoir à exprimer le désir de se montrer à l’écoute des dieux, à la mesure des ancêtres, en phase avec la nature (et ses esprits), en conformité avec les règles de la parenté, à la hauteur des exigences du don. Ce que l’observateur moderne perçoit comme autant d’obligations formelles et de règles contraignantes lui paraît à l’opposé du désir, mais cela témoigne seulement de son impressionnante myopie. Axé sur l’image de soi, le désir « primitif » gouvernait les actions dont cette image dépendait. Que ce désir soit codé, et donc aliéné, n’enlevait évidemment rien à sa réalité de désir, bien au contraire (que ceux qui lui opposent à la hâte le désir moderne, qui relève pourtant de l’injonction surmoïque devenue marchande, s’interrogent quelque peu à ce propos). L’ethnographie a suffisamment montré d’exemples où de ne pouvoir suffire à ses exigences de dignité, ou du fait d’avoir été réduit à la servitude, le sujet « primitif » en arrivait à s’effondrer, et se laissait mourir (mort qu’on considérait alors comme grandiose). Le désir codifié à l’ancienne avait devant lui un champ de reconnaissance universelle à laquelle il parlait en s’y conformant ou en s’y opposant, tandis que dans la codification marchande moderne, le contenu particulier du désir, apparemment libre, est condamné sans rémission à une insignifiance radicale et donc au mutisme social, puisque son sens est ailleurs (dans la promotion du commerce auquel il contribue).

L’importance de ce monde symbolique était probablement concomitante du mode de vie nomade, puisque dans l’absence de domiciliation, l’homme était condamné à s’habiter soi-même, ou libre de le faire, comme on voudra, c.a.d. à habiter ses représentations. La vie et le travail sédentaires furent sans doute une première baisse tendancielle, importante, du désir, et une première naissance historique du besoin (c’est là sans nul doute un noyau rationnel des utopies primitivistes actuelles). La conception de la richesse comme thésaurisation fit son entrée sur la scène de l’histoire avec le néolithique, entraînant avec elle les prémisses d’une réduction du désir au besoin : sur le plan économique comme sur le plan psychologique, le manque matériel est concomitant de la production de plus-value, la blessure laissée par cette forme de gestion étatique ou privative du surplus. Les civilisations néolithiques n’avaient pas rompu avec la sphère englobante du symbolique, mais concentrèrent la pensée et l’activité magiques en spécialité religieuse, avec une caste sociale (brahmanes, prêtres, mages, prophètes) dévolue à ce secteur particulier. La concentration et thésaurisation des connaissances sacrées faisait pièce à la concentration et thésaurisation des biens matériels (récoltes, débuts de fiscalité, trésor public destiné aux despotismes hydrauliques), et témoignait de l’importance croissante de cette conception accumulatrice du bonheur.

Il y a un apparent paradoxe de notre part à affirmer d’un côté que le désir naît de la médiation, et de l’autre que le besoin survient historiquement, c.a.d. à mesure que la médiation s’intensifie, mais ce paradoxe est peut-être plus apparent que réel. Le désir est impliqué d’emblée dans la médiation, c.a.d. dans le mode symbolique de socialisation de la vie, puisque par la médiation, le sujet se rapporte à quelque chose qui est le signe de l’humanité en général : il est placé face à son universalité. En agissant de la sorte, l’homme se livre à l’humanité, et se détermine face à elle, fût-ce dans la solitude. L’identité profonde entre la nature et le monde suprasensible qui caractérise les sociétés « primitives », qui affirment que l’esprit est lui-même nature, exprime avec une parfaite clarté que rien n’est extérieur au monde de l’esprit, pas même la nature la plus sauvage. Désir et symbole sont jumeaux. Le besoin ne survient que par rupture de cet équilibre, rupture du fait de la cassure en castes de l’ancienne communauté, et de l’extraction des biens matériels de leur condition symbolique pour être transformés en biens matériels, économiques, thésaurisables, tandis que l’activité symbolique devient la propriété d’un groupe spécialisé, qui peut la confisquer en devenant intermédiaire obligatoire avec les dieux. La formation de la religion et la mise en place de la classe sacerdotale sont le verso d’un recto qu’est la création simultanée d’une sphère économique. Le besoin (celui de l’Etat, qui prend les récoltes pour financer sa munificence ; celui du paysan, qui essaie de s’y soustraire pour pouvoir survivre ; celui de chacun, qui ne sait plus parler aux dieux) ne naît donc pas avec la médiation mais avec l’aliénation de la médiation. Qui affirme qu’il n’existe pas de misère naturelle ne se doute pas forcément à quel point il dit vrai. Nous restons fermement persuadés que le besoin (das Bedürfnis, c.a.d. le besoin agissant, le manque actif, mais aussi die Bedürftigkeit, l’état de besoin, de nécessité) est inséparable d’un accaparement social préalable, et d’une coupure dans le réel qui met un terme à la fluidité de l’activité symbolique généralisée originaire.

Le caractère apriorique du désir sur le besoin dans le monde humain s’est perpétué sous forme clivée à travers la nature algorithmique de chaque mode de production. Dans la majeure partie de son histoire, l’humanité a produit des objets articulés par leur fonction symbolique ou magique, bien que partiellement utilitaires (citons, à titre d’exemple, que le bijou est présent dans les tombes les plus anciennes de la préhistoire, et qu’il est clairement l’un des produits les plus anciens de l’humanité, plus ancien que l’immense majorité des objets utilitaires primitifs). Les différentes notions recensées par les ethnographes, de type hau, mana etc., évoquent clairement le pouvoir attribué aux objets et, en réalité, à la communication avec le monde des esprits inhérent à la médiation matérielle. La confusion entre les deux ordres, symbolique et utilitaire, était rompue à l’occasion de comportements spécifiques, recensés par Mauss comme don, puis interprétés par Bataille comme dépense : la grandeur de ces moments était de dévoiler la belle tempête symbolique livrée à elle-même, tellement bien débarrassée de toute autre considération qu’on l’opposait le plus clairement à l’utilité, laquelle se trouvait vouée à la ruine (le sacrifice supprime le matériel pour accéder au signifié).

Aucun mode de vie n’avait probablement été plus adéquat à cette composante essentielle de la vie en société que le mode de vie basé sur le don, au sens de Mauss, au point qu’on pourrait croire que pour une fois, la psyché s’était dotée elle-même d’une forme la traduisant fidèlement dans les faits sociaux. L’objet y relevait plus clairement que partout ailleurs de la médiation entre les individus et les groupes, de la communication entre eux. Contrairement à l’objet économique contemporain de l’échange et de l’argent, qui est un objet mort, sacrifié à la migration de la valeur, l’objet du don était vivant, puisque incorporant la circulation de la substance personnelle, et la proposant à l’absorption par autrui, pratique que seul l’art avait su conserver dans la société bourgeoise, à titre temporaire. La « valeur » de l’objet primitif était partagée (transférée et conservée dans le hau : lieu de rencontre et d’union) tandis que la valeur économique particularise le profit, le confisque, et l’attribue à celui qui exploite le producteur.

De façon finalement très récente, la production de marchandises a progressivement remplacé l’ensemble de ces signifiances par la seule valeur d’échange, ou plutôt par le reflet trompeur de la valeur, qui n’est que la sublimation en image sainte d’une spéculation financière. Le luxe et le gâchis demeurent, dans l’ère marchande, le seul mode de survie des anciens comportements d’exubérance, mais cette fois réservé à une infime minorité, et donc distant de sa nature de lien social véritable (rien ne scelle mieux la communauté que la consumation partagée). Malgré toutes les mascarades organisées par l’industrie publicitaire, la réalité profane de la marchandise peine à masquer que le sacré de cette époque se situe ailleurs, dans le capital comme pouvoir sur la survie des autres. Car on ne peut vivre vraiment que dans un monde où tous jouissent de la même qualité, tandis que le capital est le pari pris sur l’hypothèse inverse : que ma vie peut se nourrir de la non-vie des autres. L’argent est cette médiation universelle postulant l’identité entre la vie des uns et la non-vie des autres, comme relevant d’une différence de degré et non de nature. Le salaire ne porte que sur des objets de besoin, artificiellement masqués en objets de désir, et seul le capital réalise en effet des désirs : mais seulement les désirs du travail mort. C’est finalement pour réaliser les désirs d’une entité impersonnelle à laquelle il doit se soumettre lui-même que le capitaliste prive le prolétaire de tout véritable désir, en le réduisant au monde dégradé du besoin, ruinant ainsi toute dialectique simple du maître et de l’esclave, puisque les affrontements ont lieu au profit d’un tiers privé de vie.

Cherchant à clarifier quelque peu les rapports réciproques entre besoin et désir, nous sommes naturellement confrontés à un terme dont l’emploi inconsidéré, ou, a fortiori, l’absence d’emploi facilitent grandement la confusion : nous voulons parler de l’aliénation. Si l’être naturel se définit par le besoin (besoin aussi bien au sens du manque d’un élément extérieur nécessaire à son équilibre homéostatique, qu’au sens de la nécessité de produire et de diriger vers l’extérieur une tension ou une production interne), l’être et le manque à être coïncident parfaitement, et se montrent indissociables. Parler dans ce contexte de suppression du besoin, d’aliénation ou de désaliénation apparaîtrait comme totalement dépourvu de fondement logique.

Mais, s’agissant de l’être humain, nous constatons que la sphère du besoin, pour indépassable qu’elle soit (en tant qu’enracinement matériel de l’homme vivant dans le métabolisme naturel), occupe néanmoins un terrain très restreint par rapport au déploiement réel (historique) de l’activité humaine. Dans ce monde humain où le désir occupe presque tout le terrain, non pas seulement comme conséquence chronologique, mais comme fondement logique et ontologique, la dépendance de l’homme ne semble plus porter que sur le monde humain lui-même, que l’homme a appris à produire et à désirer dans un même mouvement. Seulement, ce monde humain, qui n’est plus une simple voie d’accès au monde naturel, mais un édifice sui generis, est de surcroît produit d’une façon pseudo-naturelle : c.a.d. qu’il revient vers l’homme comme s’il était naturel, alors qu’il est produit. Le produit fait retour sur les producteurs sans que ceux-ci, avant, pendant ou après le processus, aient décidé de quoi que ce soit, ni même de leur propre indécision : c’est ici qu’il devient non seulement licite, mais indispensable de parler d’aliénation. Cette dernière se présente comme la situation où ce que nous faisons nous apparaît comme donné, au point que personne ne réalise plus que nous le faisons, et que nous pourrions faire autrement.La faible portée du besoin par rapport au désir que nous avons exposée trouve cependant ici sa limite : c’est que l’exercice aliéné du désir, qui se croit émancipé du besoin parce qu’il sert un autre maître (la recherche de profit), produit en retour de nouveaux besoins, généralement négatifs. La destruction des conditions naturelles de vie sur la planète est ce retour de la nature et du besoin comme retour du refoulé. Quand l’air, l’eau, le climat, la viande et les légumes deviennent viciés, de nouvelles carences surgissent à tous les niveaux, entremêlent leurs conséquences, et se dressent comme de nouveaux besoins : le besoin de se défaire des divers poisons et nuisances. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas de nouveaux désirs, comme le susciterait le développement d’une société libre, mais de nouveaux besoins, nés à partir de manques inversés (autrement dit de doses exagérées de ceci ou de cela). Ainsi, l’humanité aliénée perpétue et recrée la sphère servile dont elle avait entrepris de s’émanciper depuis l’aube des temps, en s’imposant elle-même de nouvelles contraintes, dont la principale et la plus urgente reste toutefois de mettre fin à la forme de société actuellement dominante sur l’ensemble du globe.

La résurrection de contraintes aussi appauvrissantes est évidemment de nature à fausser bien des perspectives, et à s’imposer comme aspect dominant, comme si elle était une orientation pleinement humaine : c’est ainsi que la morale en général et la morale du travail en particulier s’adossent à cette détresse pour reprendre des forces, alors qu’elles furent depuis toujours partie intégrante de l’ensemble qui enfonçait l’humanité dans l’aliénation, et qu’elles méritent plus que tout d’être traitées avec l’hostilité la plus déterminée.

De l’aliénation, on peut dire qu’elle émane de la sphère de la médiation et du désir, mais qu’elle a maintenant été si loin qu’elle parvient désormais à inverser la logique initiale, et à englober la sphère du besoin et de la substance naturelle.

Le constat s’impose qu’à aucun moment, l’humanité n’a produit de la valeur d’usage pure, ni n’a obéi à de simples besoins. Qu’elle le veuille ou non, la critique de la société capitaliste est déterminée par l’absence d’un tel paradigme, qui demeure purement imaginaire : soit elle fait abstraction de ce constat pour sauver son illusion, et elle envisage illusoirement d’édifier une société pragmatique, héritière du réalisme bourgeois, imposant une religion de l’utilité, et, de façon corollaire, le maintien du travail comme production généralisée d’objets utiles (ce qui fut la position des régimes bureaucratiques, issus d’un mouvement ouvrier devenu social-démocrate, socialiste ou stalinien), soit elle adopte le constat et ne réserve à la sphère utilitaire que la condition subordonnée que les classes possédantes de tous temps avait prévue, mais cette fois au bénéfice de l’ensemble de la population, ouvrant aux humains cette destinée de maîtres sans esclaves qui réalise d’antiques ambitions, en abolissant le travail et en laissant l’énergie créatrice de chacun s’exercer sans aucune soumission aux nécessités d’une survie déjà assurée par une production réduite à son strict minimum, notamment par l’automatisation. Pour la première fois, l’algorithme n’aurait plus de raison d’exister, puisque ses deux versants disposeraient d’un monde à eux : le dépassement de l’économie marchande ne peut consister que dans la restitution à la valeur symbolique de son entière autonomie, ce qui signifie son indépendance face aux exigences utilitaires. La sphère de l’utilité ne mérite que des efforts de plus en plus réduits. Quant à celle des créations prodigues, inutiles, répondant au seul désir et à ses variations sans limite, elle peut se développer à l’infini, et même réinvestir la sphère utilitaire, au-delà de toute perspective laborieuse, pour en ennoblir et raffiner les résultats. L’activité symbolique abandonne alors son confinement aux sphères « culturelles », « artistiques », « superstructurelles », « périphériques », pour se déployer au centre même de l’activité sociale, en disposant de la totalité du réel pour s’exprimer. En créant leur vie, les hommes se créent eux-mêmes, et il importe qu’ils le fassent enfin de manière consciente et délibérée, totale : c’est là la forme ultime de ce que Marx désignait comme socialisation.

Il en découle notamment que les vieilles polémiques relatives aux prétendus « faux besoins » sont sans objet. Il appartient à l’humanité ainsi qu’à chacun de ses membres de décider où s’arrêtent ses désirs. Quels que soient la lassitude et le dégoût qu’on peut éprouver devant les innombrables fadaises et futilités de la production marchande, et devant l’inénarrable saccage qui est occasionné pour sacrifier à d’aussi risibles objectifs, il faut se garder de chuter dans une perspective néo-stoïcienne, perspective moraliste préchrétienne dans laquelle avait sombré corps et biens la philosophie antique une fois qu’elle eut, après Aristote, abandonné son ambition politique. Il n’est en effet d’aucune utilité de polémiquer sur une étendue normative des besoins pour au moins deux raisons :  Aucune définition autoritaire n’a à fixer les besoins, et ceux-ci ne pourraient en tout état de cause qu’être « définis » par la pratique collective prolongée d’une société en pleine possession de ses moyens et de ses décisions, Une humanité libre de s’adonner à l’ensemble de ses désirs, à la production que nous avons appelée « symbolique », à la création d’ambiances, à l’étude de nouveaux comportements, à l’amélioration des environnements dans cette optique, au don en général, ne trouvera plus aucun plaisir à la simple consommation, et aux « besoins » qui en sont la pétition de principe. Si c’est la rareté qui en fait actuellement le prix (la survie toujours augmentée), leur pléthore et leur gratuité en assureront une dévaluation psychique immédiate. La reproduction des objets utilitaires bénéficiera du statut d’évidence banale que procure la mise en commun mondiale des moyens de production, tandis que le développement de la production « symbolique » ou « somptuaire » émanera luxueusement du monde d’individus, solitaires ou associés, selon leur goût.

On peut observer que sous l’effet de l’actuel mode de production marchand, le désir de l’autre, qui pouvait être nuancé ou contredit à l’échelle individuelle, a été remplacé par celui de l’Autre, si l’on entend par là que l’économie impose au sujet le désir de l’objet comme fondement de sa propre dynamique (non pas seulement au sens de désir portant sur un objet, mais aussi et surtout comme désir émanant de l’objet) ; et ce désir là ne peut être remis en cause que par un mouvement social ne recherchant aucun compromis, et voulant en finir avec l’économie comme mode de production et de survie. La manière dont le système marchand produit des objets dépendants d’autres objets et prétendant ainsi à une sorte de pseudo-vie menée entre eux, que le consommateur doit alimenter de l’extérieur comme le ferait une nourrice d’objets, perpétue la logique du besoin. La structure des prix est désormais clairement indexée sur cette nouvelle nécessité : si l’objet est vendu pour une bouchée de pain, son entretien, son alimentation, sa remise au goût du jour, en revanche, coûteront une fortune. A travers ce monde d’objets comme système de besoins intrinsèques, et la servitude du consommateur qui en résulte, se dessine le désir du capital, qui est inchangé : s’assurer un profit régulier et reproductible, enchaînant les humains à la réalisation de cette fin.

Une production émancipée de l’économie n’a donc pas à s’orienter sur celle d’objets prétendument désirables, comme le fait croire le matérialisme vulgaire de la société marchande, mais sur celle des désirs eux-mêmes, rejoignant ainsi l’antique sagesse opposant à la production de biens (la poiésis) la production de soi, la production du sujet (la praxis) : alors que le désir rabattu sur l’objet se réduit au besoin, la permanence du sujet doit se nourrir de l’évanescence de l’objet (de sa consumation, selon le terme de Bataille). Une société ne vaut que par les individus qu’elle produit, le reste de sa production est accessoire, sinon réductible à l’équipement des individus produits : et notre époque démontre lourdement que la réciproque est vraie aussi, puisque les individus sont de plus en plus réductibles aux produits qu’ils consomment. Les situationnistes avaient renoué avec cette intelligence immémoriale (que ne considèrent comme aristocratique que les esclaves qui veulent en rester) sans pour autant s’y référer explicitement et rappeler les fondements anciens de leur perspective ; ils entendaient produire de nouveaux désirs, qui attacheraient à jamais l’humanité au libre exercice de ses facultés, au-delà du règne de l’habitude, qui « est le processus naturel par lequel le désir (accompli, réalisé) se dégrade en besoin. Mais l’économie actuelle est en prise directe sur la fabrication des habitudes, et manipule des gens sans désirs » (Internationale Situationniste n°7, p. 17).

La critique de l’art comme sphère séparée, plus ou moins consciente depuis les Romantiques jusqu’aux Situationnistes, tenait aussi à cela. L’art s’était présenté, au moins temporairement, comme le seul secteur de l’activité sociale non dominé par l’utilitarisme. La production artistique débouchait sur des objets qui n’étaient pas des objets, mais des paroles : le musicien, le peintre, le sculpteur, l’architecte s’adressaient à leurs semblables et restaient présents, en tant qu’individu, dans leur produit. Ce produit était ainsi supposé constitutif de l’échange symbolique, de la communication, fonctions d’autant plus nobles que contraires à la fonction économique du reste de la production. Mais l’adhésion de l’art à l’échange marchand ruinait progressivement cette dimension originaire : les deux formes d’échange sont en effet incompatibles. Une parole vendue n’est plus une parole. Une parole est forcément gratuite (ce que constate éphémèrement l’universitaire Hénaff dans son livre Le prix de la vérité, pour aussitôt l’oublier et le renier). On ne pouvait donc, si l’on était fidèle au projet artistique, continuer d’être artiste, c.a.d. marchand. Cette conjoncture faisait du reste remonter à la surface le fait que la production marchande n’est pas elle-même utilitariste, puisque la valeur d’usage n’y est qu’un prétexte : en ignorant ou en proscrivant l’utilité comme il l’avait fait dans son activité séparée, l’art n’était donc que le faux contraire de l’économie, et non une opposition réelle au monde de l’intérêt.

Ainsi, les Situationnistes étaient-ils parfaitement fondés à désigner l’injection de l’art dans la vie quotidienne, l’abolition de l’art séparé, comme objectif central d’une transformation du monde, et ce programme ne se réduisait d’aucune façon, comme cherchent à le faire accroire certains commentateurs tard venus, à « l’origine artistique » du groupe lettriste. En affichant de telles ambitions, les Situationnistes renouaient au contraire avec une longue tradition que le mouvement ouvrier avait globalement ignorée. C’est cette résurgence soudaine qui fit l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel couvert par la pollution marxeuse. A travers la critique de l’art se profilait la critique de la passivité et de la dépossession dont la marchandise et le spectacle organisent la montée aux extrêmes. Il est impossible d’envisager un renversement de l’ordre existant sans que celui-ci porte sur cette question centrale. Il est impossible, en d’autres termes, de conserver la perpétuation du besoin, au détriment de la généralisation du désir. La généralisation du désir ? Regardez la : elle n’est rien d’autre que la dictature du prolétariat. Ce qui précède n’est qu’une ébauche fragmentaire, qui ne saurait remplacer un traitement plus systématique des questions abordées. Son seul objectif était de faire sentir la variété des terrains que la question englobe, et de contribuer à l’orientation de la réflexion et de la discussion à propos d’un sujet dont l’importance n’échappera à personne, parce que personne, ni individu ni perspective collective, ne pourra lui échapper en retour.

 

 

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